Il était prévisible que le Sénat marquerait sa différence. N'oublions pas que les Sénateurs sont élus par un collège de grands électeurs issus des élections locales de 2014, date à laquelle la majorité gouvernementale actuelle qui constitue l'Assemblée Nationale n'existait pas.
Les principaux points de divergence
L'âge du consentement des mineurs : 15 ans pour l'assemblée, 16 ans pour le Sénat. On ne peut que rapprocher cette limite à celle du consentement sexuel qui va être fixé à 15 ans.
(Voir mon précédent post : Est-ce que ce monde est sérieux ? )
Saisine de la CNIL pour avis : Pour les Sénateurs, possible uniquement par les Présidents des deux Assemblées alors que les députés avaient voulu permettre la saisine par les commissions compétentes parlementaires et par les présidents des groupes parlementaires. Cette modification a pour effet de priver l'opposition de ce droit.
Charte de déontologie des DPO pour les acteurs publics : doit être rédigée par la CNIL alors que le gouvernement pensait plutôt régler cette question par circulaire.
Labellisation des objets connectés : Un décret prévoira les conditions dans lesquelles les mission de labellisation seront confiées à la CNIL après avis de l'Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d'Information.
La possibilité d'actions de groupes en matière de réparation des préjudices : est repoussée au 25 mai 2020 de façon à laisser aux entreprises la possibilité de se mettre en conformité. Les associations qui ont pour objet "la protection de la vie privée et des données à caractère personnel" pourront représenter les victimes à condition d'exister depuis plus de 5 ans et d'être agréées par l'administration. Le demandeur devra préalablement à la saisine de la justice, informer la CNIL de son recours afin qu'elle puisse présenter ses conclusions à la juridiction saisie.
Dotation de 170 millions par an pour les collectivités territoriales : Le gouvernement a tenté de faire supprimer cet amendement au motif que son ajout est incompatible avec la stabilité des dotations votées dans la loi de programmation des finances publiques 2018 - 2020 ; Les sénateurs démontrent par là leur attachement aux collectivités locales d'où proviennent leurs électeurs. Ils ont par ailleurs adopté un amendement qui empêche la CNIL de prononcer des amendes administratives envers les collectivités territoriales. (idem pour l'état)
Chiffrement des données : L'article 32 du RGPD prévoyait que le responsable de traitement et le sous-traitant utilisaient "les mesures appropriées pour garantir la sécurité des données". Le chiffrement était une des mesures, mais non obligatoire. L'amendement introduit revient à obliger au chiffrement "chaque fois que c'est possible".
Algorithmes de calcul des administrations : Les administrations devront publier les "règles et principales caractéristiques" de leurs algorithmes de traitement (impôts par exemple) sous peine de nullité des décisions individuelles.
Coup de frein à la publication dans l'open data des décisions de justice : Celles ci ne devront pas permettre l'identification des magistrats, des plaignants, des avocats et "de toutes personnes citées dans les décisions"... Plus que difficile à mettre en œuvre ...
L'amendement "anti-Google" à été adopté : C'est à dire que la vente d'un équipement connecté ne pourra être subordonné à la présence d'un logiciel préinstallé.
Le droit à la portabilité des données : qui était circonscrit par le RGPD aux données à caractère personnel est étendu à toutes les données mises en ligne telles que photos, vidéos etc.
Et maintenant ...
Rappelons tout d'abord que le gouvernement a souhaité une procédure accélérée pour cette loi. C'est donc une commission paritaire qui va maintenant être chargée de rédiger un texte commun .. ce qui ne va pas être simple !
Deux scénarii possibles selon l'article 45 de la Constitution de 1958 :
- Soit la Commission mixte paritaire parvient à se mettre d'accord sur un texte : celui-ci sera soumis par le gouvernement aux deux assemblées pour approbation. Aucun amendement n'est recevable sauf accord du gouvernement.
- Soit la Commission ne parvient pas à se mettre d'accord ou le texte présenté n'est pas approuvé par les deux assemblées (ce qui est probable à mon sens) ; Dans ce cas, " le gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l'Assemblée Nationale et par le Sénat, demander à l'Assemblée Nationale de statuer définitivement. En ce cas, l'Assemblée Nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la Commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat. "
En clair, l'Assemblée et donc la majorité gouvernementale peuvent avoir le dernier mot ; Le risque est que les Sénateurs, qui ont déjà pris les demandes des députés de revoir à la baisse le montant de leur retraite comme une trahison, s'estiment victimes d'une véritable attaque en règle.
A suivre ...
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